Félix Tshisekedi gagne les présidentielles pendant que Kabila contrôle l’Assemblée nationale
En RDC, le scénario électoral connaît un rebondissement inattendu. Après les élections présidentielles qui ont porté Félix Tshisekedi en triomphe, la Commission électorale (Céni) a finalement publié les résultats des élections législatives dans la nuit du 11 au 12 janvier 2019. Le peuple congolais aurait-il offert à Tshisekedi, vainqueur des élections présidentielles selon la Céni, un cadeau empoisonné ? En effet, la coalition formée autour du président sortant, Joseph Kabila, revendique désormais la majorité absolue dans la nouvelle Assemblée. Entre 250 et 300 députés sur 500, contre une cinquantaine pour Cash, la coalition de Félix Tshisekedi. Un écart abyssal qui suscite assez d’interrogations. Joseph Kabila s’est-il rendu coupable de manœuvres obscures pour se frayer une place si importante à l’hémicycle ? Le président sortant s’inscrit-il dans la perspective de partir sans quitter ? D’ailleurs, Fidèle Babala, l’un des cadres de la coalition de Martin Fayulu (concurrent de Tshisekedi) qui n’a récolté que 59 sièges, affirme : « Le hold-up électoral qu’on a constaté au niveau de la présidentielle continue au niveau des législatives, provinciales et nationales. »
Qu’est-ce qui a pu bien se passer ? Pourquoi tant d’irrégularités électorales dans un contexte politique déjà délétère ? Le peuple congolais s’est-il vraiment exprimé par la voie des urnes ou a-t-il été victime d’un coup de force du pouvoir sortant ? Les témoignages fusent déjà de toutes parts. Dans certaines localités, le dépouillement des bulletins de vote des législatives n’a pas encore lieu avant la proclamation des résultats. C’est le cas de la région de Goma (fief de l’opposition) où beaucoup d’observateurs et témoins s’indignent de la fraude orchestrée. Par quelle magie donc la Céni a-t-elle obtenu les résultats des enveloppes scellées ? Ce qui milite aussi en faveur de la thèse d’un coup de force du camp Kabila, c’est la coloration des députés (ré) élus. Ils sont issus, pour la plupart, de la majorité présidentielle. C’est à croire que l’éventuelle manœuvre de Kabila a consisté à reconduire d’anciens députés (en majorité) acquis à sa cause afin de contrebalancer le pouvoir de Tshisekedi.
La situation politique en RDC est si inextricable que l’on se pose la question légitime de savoir s’il ne manque pas quelques pièces dans le puzzle électoral de ce pays instable. Tshisekedi aura-t-il vraiment les coudées franches dans l’exercice du pouvoir qu’il s’apprête à prendre ? Dans un contexte démocratique, à quoi sert un pouvoir d’Etat dépourvu du pouvoir législatif ? En attendant, les combines politiques vont bon train dans l’ex Zaïre.
Crédit Photo: Phill Magakoe Agence France-Presse Joseph Kabila, photographié à Pretoria, en Afrique du Sud, en juin 2017